Près de quatre mois après la chute du régime d’Assad, les besoins humanitaires en Syrie demeurent critiques, en particulier pour les familles qui ont perdu leur maison pendant le conflit. Si certaines personnes déplacées sont retournées dans leurs villes et villages dévastés, nombre d’entre elles restent dans des camps surpeuplés aux abris inadéquats. Grâce au financement apporté par l’Union européenne, les équipes de GOAL aident les familles vulnérables à reconstruire leur vie en leur fournissant un abri digne et durable dans le nord-ouest de la Syrie.
Fuir son domicile
Tariq Al Omaier, 33 ans, vit avec son épouse et leurs cinq enfants dans le nord-ouest de la Syrie. Avant la guerre, la famille menait une vie modeste mais pleine d’espoir dans un village de la région des montagnes de Shashbo dans le sud-ouest d’Idleb.
« Je suis le seul à subvenir aux besoins de ma famille et je n’ai pas de source de revenu fixe. Je travaillais en fonction des occasions que la vie m’offrait, parfois dans l’agriculture en été pour effectuer les récoltes et, en hiver, pour planter du blé et de l’orge. »
Tariq rêvait de construire un avenir durable pour ses enfants. Mais au fur et à mesure que le conflit s’est étendu, cet avenir s’est éloigné.
« J’étais très satisfait des petits plants de figuiers. Je les regardais tous les jours, je les arrosais à partir du puits de la maison et j’en prenais soin. Je comptais les jours jusqu’à ce qu’ils poussent et portent des fruits. Mais comme on dit, rien n’est éternel. En l’espace de quelques mois, nous nous sommes retrouvés hors de notre maison et de notre village lorsque le conflit a éclaté. Alors que l’armée avançait vers nous et que les bombardements s’intensifiaient, nous nous sommes enfuis en vitesse, les yeux rivés sur les jeunes plants de figuiers et nos animaux effrayés. Nous n’avons rien emporté d’autre que nos larmes et notre peur intense pour nos enfants. »

Nous n’avons rien emporté d’autre que nos larmes et notre peur intense pour nos enfants.
Déplacement et souffrance
En 2017, la famille a été forcée de fuir sa maison. Elle a connu la perte, le chagrin et l’instabilité alors qu’elle se déplaçait de ville en ville à la recherche d’un lieu sûr.
« Je me souviens qu’au début de notre déplacement en 2017, les bombardements et bruits d’explosion étaient terrifiants. Nous n’avons pas pu retourner dans notre village pendant deux jours alors que nous cherchions mon oncle disparu. Plus tard, nous avons retrouvé son corps. »
Ne pouvant pas organiser des funérailles convenables pour leur oncle chez eux en raison des bombardements intenses, la famille l’a enterré dans la ville voisine de Kafr Nabl. De là, leur long périple s’est poursuivi.
« De Kafr Nabl, nous avons été déplacés vers la ville de Kafr Karmoun, dans la campagne à l’ouest d’Alep, où nous sommes restés deux mois. Puis, nous avons déménagé dans le village d’Al-Bardqli, à l’ouest de la ville de Dana, dans le nord d’Idleb, où nous sommes restés six mois. »
La vie en déplacement a été source de pressions physiques et émotionnelles incessantes.
« Nous avons enduré de graves souffrances dues au froid, à la faim et à la misère. »

La vie dans les camps
La famille a fini par s’installer dans un camp à Maarat al-Nouman en 2019. Les conditions de vie y étaient extrêmement difficiles, en particulier l’hiver.
« Nous avons beaucoup souffert des températures élevées et de la poussière constante l’été, et du froid glacial, des inondations et de la boue l’hiver. »
La vie dans le camp était rude, les tentes n’offrant que peu de protection pour un coût élevé, tant financièrement que physiquement.
« Nous devions remplacer l’isolation de la tente chaque année en raison des conditions météorologiques difficiles, ce qui était financièrement épuisant. Des maladies respiratoires et thoraciques se sont propagées, en particulier l’hiver, à cause de la fumée produite par la combustion du nylon et du carton dans les poêles. Bien souvent, nous n’avions pas les moyens d’acheter des médicaments. »

L’environnement difficile a eu des répercussions sur leurs enfants.
« Dans le camp, mon fils Mohammed a contracté la méningite, et son état s’est aggravé en raison de la poussière et de la chaleur intense. »
Le traitement du jeune garçon a duré six mois et coûté environ 3 000 $. Bien que les dons aient permis de couvrir une grande partie des dépenses, la famille a dû faire face à des frais écrasants qu’elle ne pouvait pas assumer.
« J’ai vendu ma moto – notre seul moyen de transport – et deux moutons de ma famille pour pouvoir couvrir une partie des frais. »
Un nouveau coup dur est survenu pendant l’hiver 2021.
« Des vents violents ont déchiré notre tente, alors que mon épouse venait d’accoucher – Munther n’avait que six jours. Les inondations ont tout englouti. Nous avons dû dormir dans la voiture pendant trois jours. »
Enfin, le rêve est devenu réalité, et nous vivons à présent dans le nouvel abri. Notre vie s’est complètement améliorée.
Un abri digne et un nouveau départ
La famille de Tariq compte parmi les nombreuses familles à avoir bénéficié du Programme d’abris dignes de GOAL, lequel fournit des logements sûrs et durables aux familles déplacées dans le nord-ouest de la Syrie.
« Notre joie était indescriptible lorsque nous avons entendu parler du projet d’abris et de logements dignes. Enfin, le rêve est devenu réalité, et nous vivons à présent dans le nouvel abri. Notre vie s’est complètement améliorée. »
Le nouvel abri leur a permis d’échapper à l’exploitation et leur a offert un confort de base dont ils étaient privés depuis longtemps – un confort de base que la plupart des gens prennent pour acquis.
« Cet abri nous a sauvés de l’emprise du propriétaire du camp, qui avait doublé le loyer ces dernières années, et nous a apporté plus d’intimité. Avant, nous dormions tous ensemble sous un même toit dans la tente, sans salle de bain ni toilettes séparées. »
À présent, la famille jouit d’un mode de vie plus digne.
« Aujourd’hui, nous vivons dans des caravanes mieux organisées, plus propres et plus saines pour nous et nos enfants. Nous disposons désormais d’une pièce spéciale pour nous asseoir, d’une autre pièce pour mon épouse et moi, d’une cuisine où nous gardons nos aliments propres, et de toilettes à l’intérieur du logement, reliées à un système d’égouts couvert. »

Retourner dans des ruines
Après la chute du régime d’Assad, Tariq est retourné dans son village natal, où il a constaté que tout avait changé.
« Enfin, le rêve tant attendu s’est réalisé et nous avons été libérés du régime d’Assad. J’avais hâte de revoir ma maison et mon village. Mais notre joie a été de courte durée, et les images que j’avais peintes dans mon esprit ont rapidement volé en éclats. »
Tout ce pour quoi il avait travaillé avait disparu.
« Le rêve s’est effondré lorsque j’ai vu les ruines de ma maison, le puits transformé en décharge et les figuiers déracinés. Même les orangers et les grenadiers du jardin n’ont pas survécu. »
Les souvenirs sont vifs, mais la perte l’est tout autant.
« Mon village, autrefois plein de verdure et de vie, était devenu un lieu fantôme. Les souvenirs remontaient à la surface : sous cet arbre, nous prenions le thé avec les voisins, et là, nous jouions et discutions. Ils ont détruit les boulangeries, les écoles, les maisons et toutes les infrastructures, ne laissant à personne la possibilité de revenir s’y installer. Oh, que c’est douloureux ! »

Garder espoir
Pour le moment, Tariq et sa famille sont retournés dans leur abri, gardant espoir en l’avenir.
« Tout cela m’a obligé à prendre une décision difficile : retourner dans les caravanes, car j’ai éprouvé un sentiment accablant d’éloignement auquel je ne m’attendais pas après des années de désir, d’aspiration, de souffrance et de déplacement. Je m’attendais à ce que nous nous débarrassions des habits de la tristesse dans les camps et que nous revêtions les habits de la joie dans notre maison. Mais comme le dit le proverbe : “les vents ne soufflent pas au gré des voiliers”. »
Malgré les difficultés, il continue d’espérer.
« Les prix ont grimpé en flèche, en particulier le fioul, le chaos s’est répandu, l’instabilité règne et les perspectives d’emploi sont rares. Tout ce que nous pouvons faire pour le moment c’est attendre et prier Dieu de nous bénir en nous donnant la possibilité de rentrer chez nous après la reconstruction. »

GOAL en Syrie
Après plus de dix ans de conflit, la Syrie compte plus de 6,8 millions de déplacés internes. Au total, 70 % des Syriens ont besoin d’une aide humanitaire et en dépendent pour survivre au quotidien.
Les équipes de GOAL travaillent sur le terrain en Syrie depuis que le conflit a éclaté en 2012. L’année dernière, le programme d’intervention d’urgence de GOAL est venu en aide à plus de 287 000 personnes nouvellement déplacées en leur apportant de la nourriture, du matériel de cuisine et une assistance financière. Grâce au travail mené par les ingénieurs de GOAL qui réparent les dommages causés à l’infrastructure du réseau d’eau, plus de 1,3 million de personnes ont désormais accès à l’eau potable dans leur maison. Par ailleurs, 430 000 personnes bénéficient du programme de production de pain de GOAL dans le nord-ouest de la Syrie.
Notre impact en chiffres
+1.3 million
Fournir une eau salubre à plus de 1.3 million de personnes
+430,000
Fournir du pain à plus de 430 000 personnes chaque jour
2.8 millions
De personnes aidées en 2024
2012
GOAL commence ses interventions en Syrie
L’histoire de Louay
Louay Tajiddin, un ingénieur en eau et assainissement de GOAL en Syrie, partage son expérience personnelle, lui qui a dû quitter son travail et son domicile en raison du conflit dans le pays.
Il souligne les difficultés rencontrées par les Syriens du fait du conflit prolongé et l’importance de bénéficier d’un accès à des services de base, en particulier l’eau salubre.
Pour aider les communautés vulnérables en Syrie, Louay a mis ses compétences et son expérience au service de l’action humanitaire.
« Il était difficile de voir de plus en plus de familles vulnérables souffrir dans un contexte de déplacement et de conflit. Mais je savais que ce n’était pas une fatalité. J’ai senti que je pouvais faire plus pour mes concitoyens, étant donné mon expertise dans l’entretien des infrastructures de service public. C’était quelque chose dont ma communauté avait désespérément besoin. »
Apprenez-en davantage sur la façon dont Louay et d’autres membres du personnel de GOAL en Syrie, grâce au financement de l’Union européenne, réparent et assurent un approvisionnement en eau salubre à plus de 800 000 personnes dans le nord-ouest de la Syrie.
